Ils migrent !

La fin de l'hiver annonce la migration des amphibiens

Dans amphibien il y a « amphibie » = qui vit sur terre et dans l’eau.

Grenouilles, tritons, salamandres et crapauds vivent toute l’année en forêt, et entreprennent une migration à la fin de l’hiver. Cette période sonne le début d’un grand voyage, destination les mares, bordures de plans d’eau ou bras morts de rivières, alors colonisés par des centaines voire des milliers d’individus.

L’observation et les images de ces regroupements aquatiques ne reflètent finalement qu’une courte phase de leur cycle de vie. Elle correspond à leur période d’accouplement et à la ponte des œufs.

Les amphibiens ont un déplacement nocturne, ils privilégient en général les périodes de pluie pour migrer et craignent les températures négatives.

Protéger les migrations, pourquoi ?

Durant le parcours migratoire, la mortalité peut être importante à la traversée d’un réseau routier fréquenté. Ceci notamment lors d’épisodes pluvieux ponctuels, qui déclenchent l’activité des amphibiens. Soyez vigilants et levez le pied !

Afin d’éviter cette mortalité sur certains secteurs, des systèmes pérennes comme des crapauducs ou batrachoducs (passages busés) peuvent être construits sous la route.

Ponctuellement, durant la migration massive de la fin de l’hiver, une protection temporaire est mise en place et permet d’effectuer un suivi des populations. Des filets sont alors installés, accompagnés de seaux enterrés. Ce dispositif  appelé « crapaudrome », qui se développe de plus en plus en France, va retenir notre attention.

Opération de sauvetage des amphibiens : un exemple local

Dans le sud du département de la Meurthe-et-Moselle, l’association HIRRUS, suit ce dispositif de type « crapaudrome » dès le mois de février.

Des filets d’environ 50 cm de haut et de plusieurs centaines de mètres de long, sont accompagnés de seaux enterrés et espacés de 15 m. Ils permettent de préserver les individus qui, en longeant le filet pour le contourner, y sont récoltés au lieu de traverser la voie. Les déplacements étant nocturnes, les seaux sont relevés chaque matin.

Les filets sont généralement installés dès février pour une durée de plusieurs mois.

Il s’agit d’un suivi quotidien le long d’un axe routier fréquenté par les amphibiens qui rejoignent l’étang en contrebas.

Chaque individu capturé est déterminé et compté. Une fois identifié, il est  déposé de l’autre coté de la route.

Les facteurs de migration comme la température de l’air et la pluviométrie sont également pris en compte afin d’enrichir la base de données et croiser les résultats.

 

En Meurthe-et-Moselle, une quinzaine d’espèces sont présentes, citons notamment la grenouille rousse, le crapaud commun, la salamandre et plusieurs espèces de tritons, qui ont été recensés depuis le début du suivi.

Quelques espèces rencontrées

Les amphibiens sont répartis en deux ordres : les urodèles (tritons, salamandres),  et les anoures (crapaud commun, sonneurs, alyte accoucheur, grenouilles, rainettes,…) et sont protégés sur l’ensemble du territoire français.

Zoom sur quelques espèces rencontrées dans le département de la Meurthe-et-Moselle :

La grenouille rousse

La grenouille rousse Rana temporaria est un amphibien anoure (pas de queue) qui appartient à la famille des Ranidés, comme notamment la grenouille verte Pelophylax kl. esculentus ou la grenouille agile Rana dalmatina. Cette famille est bien connue pour sa forte aptitude au saut.

Grenouille rousse - Rana temporaria

Grenouille rousse – Rana temporaria

Grenouilles rousses © refletsdeaudouce.fr

Accouplement de grenouilles rousses – Rana temporaria

Ponte de grenouille rousse - Rana temporaria

Ponte de grenouille rousse – Rana temporaria

La grenouille rousse rejoint les zones humides (mares, plan d’eau, bras morts…) à partir de mi-février. Lors de l’accouplement, qui peut avoir lieu dans l’eau ou durant la migration, le mâle s’accroche au dos de la femelle en l’agrippant par les aisselles. Les femelles sont plus massives et leur ventre est bien gonflé car il contient des milliers d’œufs. Seulement 1% à 6% des œufs donnent des petites grenouilles, suite à une importante perte au stade têtard.

Une fois les pontes déposées en « amas » d’oeufs, les adultes entament de nouveau leur migration terrestre à partir de début mars, pour rejoindre des lieux souvent proches de leur site d’hibernation. Les œufs se développent en 2 à 4 semaines jusqu’à l’éclosion des têtards. Leur développement jusqu’à la métamorphose (forme adulte) s’étend sur 3 à 5 mois, voir jusqu’à l’année suivante. Les grenouilles atteignent l’âge adulte et peuvent se reproduire à 2 – 3 ans.

Pontes de Grenouille rousse

 

Les tritons

Les tritons appartiennent à l’ordre des Urodèles (queue au stade adulte) et à la famille des Salamandridés comme la salamandre tachetée. Il existe 5 espèces de tritons présentes en France métropolitaine : Triton ponctué Lissotriton vulgaris (photo ci-dessous) , Triton palmé Lissotriton helveticus, Triton alpestre Ichtyosaura alpestris (photo ci-dessous), Triton marbré Triturus marmoratus et Triton crêté Triturus cristatus. Les tritons pondent quelques centaines d’œufs déposés séparément et collés sur une plante aquatique. Ils éclosent une vingtaine de jours plus tard. Les têtards portent des branchies externes.

Triton ponctué © refletsdeaudouce

Triton ponctué Lissotriton vulgaris

Triton alpestre Ichtyosaura alpestris

Le crapaud commun

Le crapaud commun Bufo bufo, est un amphibien anoure qui provient de la famille des Bufonidés comme le crapaud calamite Bufo calamita ou le crapaud vert Bufo viridis. Les bufonidés ont la particularité de pondre leurs milliers d’œufs en chapelet (rubans).

Crapaud commun - Bufo bufo

Crapaud commun – Bufo bufo

Crapauds communs - Bufo bufo - Accouplement

Crapauds communs – Bufo bufo – Accouplement

Crapauds communs - Bufo bufo - Accouplement

Crapauds communs – Bufo bufo

 

Accouplement du Crapaud commun

Pontes de Crapaud commun

La Salamandre tachetée

La Salamandre tachetée Salamandra salamandra est un amphibien urodèle appartenant à la famille des Salamandridés.

Longue d’une vingtaine de centimètre, la salamandre est très reconnaissable à ces tâches jaune vif. Contrairement à la majorité des amphibiens, la salamandre est ovovivipare et l’accouplement se fait hors de l’eau, dès le printemps. Ce n’est que l’année suivante que la femelle, va déposer ses quelques dizaines de larves  en eaux calmes. Comme pour les tritons, les larves de salamandre sont munies de branchies lors de leur phase aquatique, et elles deviendront adultes entre 3 à 6 mois, selon les conditions du milieu (température de l’eau).

L’alyte accoucheur

L’alyte accoucheur ou crapaud accoucheur Alytes obstetricans est un amphibien anoure appartenant à la famille des Alytidés ou Discoglossidés.

Son petit chant aigu et régulier, ressemblant à celui du hibou petit-duc, permet d’identifier cette espèce discrète. Il  se reproduit du mois de mars à octobre, jusqu’à 3 pontes. Son nom de crapaud accoucheur vient du fait que le mâle aide la femelle à « accoucher » et enroule ses œufs autour de sa taille, qu’il transportera jusqu’à l’éclosion.

On retrouve cette espèce en milieu rural comme en milieu urbain.

Alyte accoucheur - Alytes obstetricans

Alyte accoucheur – Alytes obstetricans

Alyte accoucheur - Alytes obstetricans

Alyte accoucheur – Alytes obstetricans

Des espèces exotiques introduites en France

La grenouille taureau Lithobates catesbeianus  est une espèce introduite en Aquitaine en 1968. Originaire de Floride, elle est classée comme espèce exotique envahissante et déclarée invasive depuis 2003 par la Communauté Européenne.

Egalement, le sonneur à ventre de feu Bombina bombina (originaire de l’Europe de l’Est) est une espèce introduite en France, recensée depuis 2010 en Moselle.

Nécessité de préserver les milieux

Le système de protection présenté (crapaudrome) permet à la fois d’éviter la mortalité sur le réseau routier et d’acquérir des données visant à évaluer les densités de population et la diversité des espèces, couplées aux facteurs de migration.

La mortalité due au réseau routier s’ajoute aux nombreux autres facteurs qui représentent une menace pour la survie des populations, comme la destruction des zones humides (assèchement ou comblement), l’introduction d’espèces exotiques, et les cas de pollution, piétinement, fauche ou système d’exploitation intensif à proximité.

La conservation des petites zones humides et la qualité des milieux, résultant notamment de la préservation d’habitats comme les prairies alluviales, sont essentielles pour garantir le succès de reproduction et la préservation de ces espèces.

 

Un clic pour suivre l’association HIRRUS

Données espèces issues de : PNR Lorraine, CREN Lorraine

PHOTOS & TEXTES   © Anne-Cécile Monnier / Reflets d’eau douce 

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