Autrefois, le Rhin divaguait et parsemait de nombreux bras dans la plaine alluviale, offrant une multitude d’habitats pour l’ensemble de la faune aquatique et les espèces bordant le cours d’eau.
Cette illustration témoigne de l’aspect naturel du fleuve jusqu’au XIXe. La largeur de son lit majeur pouvait atteindre 2 à 3 km, c’était l’un des fleuves à saumons les plus importants d’Europe.
Le Rhin et ses aménagements
Afin de réduire les inondations notamment à Strasbourg et rendre le Rhin navigable, des premiers aménagements d’endiguement ont débuté au XIXe siècle (de 1817 à 1878). Un travail de titan se mettait en marche. Il consistait à l’origine à définir un nouveau tracé du Rhin (en rose sur les cartes ci-dessous), plutôt rectiligne, effaçant ainsi ses nombreux méandres et zones humides, de Bâle jusqu’à Strasbourg, soit sur le Rhin supérieur.
Le fleuve peut être nommé en sous-bassins : le Rhin alpin de la source jusqu’au lac le Constance, le Haut Rhin jusqu’à Bâle, le Rhin supérieur jusqu’à Bigen, le Rhin moyen jusqu’à Bonn et le Rhin inférieur jusqu’au delta.
Le projet de rectification du Rhin a été mené sur 266 km. Puis, suite à des phénomènes d’érosion compromettant la pérennité de la navigation, l’ingénieur Koechlin engage la construction du grand canal d’Alsace dès 1925. Longeant le Rhin, il garantira la navigation, tout en permettant la production d’électricité. C’est en 1935 que Kembs, la première centrale hydroélectrique du Rhin franco-allemand, à vu le jour. La construction de 9 barrages hydroélectriques a ensuite suivit le long de la frontière. Construite en 1977, Iffezheim, la plus en aval (au nord de Strasbourg) est la dernière centrale installée, et la première à bénéficier d’une passe à poissons en 2000.
Le Rhin « épine dorsale de l’Europe »
D’après les données VNF, « le Rhin permet le transport de 300 millions de tonnes de marchandises qui transitent chaque année entre Bâle et la mer du Nord, soit d’équivalent de plus de 45 000 camions par jour ».
Le fleuve permet à la région Alsace d’effectuer 33% de ses échanges internationaux. Aujourd’hui, le trajet Bâle Rotterdam est réalisé en 3 jours.
Impact écologique
« Le Rhin mystique n’est plus. Les poètes et les mythomanes ne chanteront plus une pureté à jamais perdue » Marc Wolfrom, 1964
Comme évoqué dans un précédent article, l’aménagement des cours d’eau a souvent un impact sur les milieux favorables à la reproduction des espèces ainsi que leurs déplacements.
Le Rhin a subit de lourds aménagements redessinant son tracé, tels que la chenalisation et l’extraction de granulats dans le lit mineur, entraînant la destruction des frayères à saumon, lamproies et aloses notamment. Egalement, la construction de barrages a créé une fragmentation des habitats, barrant la route migratoire des espèces fréquentant le fleuve. Et ces effets ont été accentués par la pollution liée à l’urbanisation et l’industrialisation.
Ces nombreux facteurs expliquent le déclin et la disparition de certaines espèces sur la partie supérieure du fleuve, qui englobe toute la zone franco-allemande.
C’est à partir de 1950, que la Commission Internationale pour la Protection du Rhin (CIPR) est créée. Sa création résulte d’une prise de conscience suite à la pollution de l’eau et d’un accident entraînant une catastrophique pollution sur le Rhin, d’autres ont suivit comme en 1986 à Muttenz (incendie dans l’usine de Sandoz avec le déversement de 30 tonnes de substances chimiques dans le fleuve). Plus tard la CIPR s’attèlera aux dysfonctionnements liés aux activités riveraines et à l’aménagement du fleuve.
Egalement, le long du Rhin, des gravières ont été creusées suite à l’extraction de granulats dans la plaine alluviale. La biodiversité s’y est développée et elles font aujourd’hui partie intégrante du paysage rhénan. Je vous invite à découvrir ces milieux artificiels parfois mal connus, qui ont d’ailleurs fait l’objet d’un très beau film : Jungle d’eau douce (diffusé sur ARTE en 2012) consacré à la faune qui les fréquentent, où l’on plonge durant 45 min à la découverte de la vie d’une gravière au bord du Rhin, un vrai éveil des pupilles !
Actions de restauration
Amélioration de la qualité de l’eau
Depuis le 1er/10/1987, la CIPR a adopté un plan ambitieux de reconquête de la qualité du Rhin, le Programme d’Action Rhin (PAR) dont le montant est évalué à 14 milliards d’euros. Il comprend notamment :
– la réimplantation des espèces supérieures (saumon, truite de mer…)
– l’utilisation des eaux du Rhin pour l’alimentation en eau potable
La CIPR a lancé en 2001 le programme de développement durable Rhin 2020. L’objectif, outre l’amélioration de la qualité de l’eau, est également la restauration de l’écosystème et la préservation des crues.
Reconquête des axes de migration
Les deux premiers barrages infranchissables que les poissons migrateurs rencontrent lors de leur migration depuis la mer du Nord, Iffezheim et Gambsheim, sont équipés de passes à poissons, respectivement depuis 2000 et 2006.
Le franchissement piscicole est possible jusqu’à Strasbourg et notamment le bassin de l’Ill. Les passes permettent aux migrateurs d’accéder aux zones de reproduction dans les Vosges, via les affluents de l’Ill, et en Forêt Noire, grâce aux affluents de la Kinzig. La petite centrale de Brisach est équipée d’un dispositif unique pour la montaison (migration de l’aval vers l’amont) et la dévalaison (migration de l’amont vers l’aval) des poissons.
Les dispositifs assurant la dévalaison des migrateurs sont rarement assurés sur les barrages bénéficiant de passe à poissons. Ils permettent pourtant d’éviter la mortalité notamment lors du passage dans les turbines des centrales hydroélectriques. Leur intérêt est souvent minimisé, la conception est complexe, et les solutions sont pour beaucoup encore expérimentales.
Un système de comptage par vidéosurveillance sur les barrages d’Iffezheim et Gambsheim permet d’évaluer l’efficacité des ouvrages et les densités de populations remontant le fleuve, notamment les populations migratrices, comme le saumon ou la lamproie.
En savoir plus sur la passe à poissons de Gambsheim.
Des campagnes d’alevinage (alevins de saumon et grande alose) sont effectués par l’association Saumon-Rhin et les Fédérations de pêche locales sur le Rhin et certains affluents.
Restauration des habitats
Remonter oui, mais pour aller où?
Les retour des migrateurs sur le bassin grâce à l’ouverture des routes migratoires ne peut être pérenne que si le fleuve présente des milieux capables d’accueillir et maintenir les populations.
Un des rares projets de restauration actuels concerne le secteur de Kembs : la renaturation des milieux humides sur l’île du Rhin inclue la restauration d’un ancien bras du fleuve, long de 7 km afin de recréer des habitats et zones de reproduction. Reste à savoir si les débits y sont attrayants pour inciter les espèces à l’emprunter.
Au sujet des débits, la CIPR prétend qu’il faudrait au moins 150 m3/s dans le Rhin naturel et un effet de saisonnalité si l’on voulait retrouver une situation acceptable et attirante pour la biocénose au lieu du « filet d’eau actuel ». Elle a lancé en 2001 le programme de développement durable Rhin 2020. Les objectifs sont notamment l’amélioration de la qualité de l’eau, et la restauration des milieux.
Des actions de restauration comme celle de la libre circulation piscicole font partie intégrante des programmes de restauration écologique du Rhin, et sont bénéfiques si sont entrepris en parallèle des projets de recréation de milieux propices à la reproduction et à la croissance des individus ainsi que des mesures favorables à la dévalaison des migrateurs.
Mes remerciements à l’association Saumon-Rhin pour les informations apportées ainsi qu’à l’équipe de Passage 309 pour la qualité de son accueil.
Données : CIPR, Passage 309, Saumon-Rhin, VNF