Les milieux aquatiques sont des réservoirs de biodiversité dont la richesse est souvent sous-estimée et mal connue du grand public. Leur protection et les actions de restauration face aux multiples pressions sont néanmoins nécessaires à la survie des espèces.
La continuité écologique des milieux aquatiques, c’est quoi ?
Définie par le libre déplacement des espèces et des sédiments, la continuité écologique fait partie intégrante des multiples facteurs nécessaires à l’équilibre écologique de la rivière. Sa restauration est de plus en plus abordée dans les mesures d’aménagement.
Concrètement, la restauration de la continuité écologique amène au rétablissement du libre écoulement des eaux. C’est à dire le fait de réduire, voire effacer l’impact d’un obstacle (barrage, seuil,…) sur l’écoulement naturel d’une rivière.
On a tous en mémoire les reportages sur les saumons du Canada ou d’ailleurs qui remontent les barrages des grands fleuves à l’aide des imposantes infrastructures que sont les passes à poissons. Mais la libre circulation des espèces ne s’arrête pas là.
La continuité doit être assurée de manière « longitudinale » (c’est à dire de l’amont vers l’aval et vice versa), mais aussi de façon « transversale » permettant ainsi un accès au lit majeur du cours d’eau, aux annexes hydrauliques, etc. Car ces lieux sont souvent indispensables au maintien de certaines espèces de nos rivières…
La reproduction est le moteur de la migration des espèces, qui recherchent des sites favorables à leurs exigences biologiques. L’altération des habitats et de leur accès est donc l’une des causes du déclin des populations piscicoles de nos cours d’eau.
En quoi et par quoi la continuité écologique est-elle impactée ?
Un déclin des populations sur l’ensemble des fleuves français est observé depuis la moitié du XXe siècle. Ceci est notamment dû à plusieurs facteurs relatifs à l’altération de la continuité écologique et des possibilités de reproduction :
Altération des zones de fraie
- Chenalisation des grands fleuves pour assurer la navigation et réduire les inondations (dès le XIXe siècle)
- Extraction de granulats dans le lit mineur pour assurer les constructions (jusqu’à la fin du XXe siècle)
Altération des parcours migratoires
Frein/obstacle à la montaison (migration de l’aval vers l’amont) :
- Présence de seuils (irrigation, moulins)
- Construction de nouveaux barrages (stations de pompage, centrales hydroélectriques)
Frein/mortalité à la dévalaison (de l’amont vers l’aval) :
- Présence d’obstacles types barrages, centrales hydroélectriques (turbines)
Quelles sont les espèces concernées ?
La majorité des espèces piscicoles effectue des migrations plus ou moins importantes au cours de son cycle de vie. Il peut tout d’abord s’agir de migrations en eau douce vers les aires de reproduction. Par exemple, le brochet recherche des zones favorables comme les prairies inondées ou les bras morts végétalisés pour y déposer ses œufs, tout comme la truite remonte vers l’amont des cours d’eau, où des zones de graviers à fort courant lui permettront de s’y reproduire.
Mais il peut aussi s’agir de grandes migrations effectuées par des espèces amphihalines (ayant un cycle de vie en mer et en eau douce), et communément appelées « grands migrateurs ».
En métropole, plusieurs espèces migratrices fréquentent nos fleuves comme le saumon atlantique, la truite de mer, l’anguille européenne, la grande alose et aloses feintes, les lamproies marine et fluviatile et l’esturgeon européen.
Quel constat et quelles solutions pour les espèces ?
Des programmes d’actions* permettent à certains grands migrateurs de recoloniser petit à petit certains fleuves comme par exemple le saumon atlantique qui fraie de nouveau sur le bassin du Rhin, ou l’esturgeon européen, qui après avoir pratiquement disparu de nos cours d’eau (classé « en danger critique d’extinction » au niveau mondial), bénéficie d’un programme de réimplantation en Garonne-Dordogne.
Egalement, avec plus de 60 000 obstacles à l’écoulement (barrages, seuils, radiers de pont,…) recensés en France métropolitaine, le développement des projets de restauration de la continuité écologique (de manière longitudinale) comme les passes à poissons ou l’effacement d’ouvrage, ouvre de nouveaux axes.
Ces aménagements sont impulsés par la Directive Cadre Européenne sur l’Eau** dont la continuité écologique fait partie des nombreuses mesures qui doivent permettre d’atteindre un bon état écologique des milieux aquatiques d’ici à 2015.
Voici quelques types de dispositifs de franchissement existants :
Les migrateurs d’eau douce comme le brochet ont vu leurs populations décliner suite à la chenalisation des rivières, la régulation des débits, et la dégradation des zones humides, réduisant leurs possibilités de reproduction.
Des projets de restauration de zones humides ou la recréation d’habitats permettent de rétablir ponctuellement des conditions « adéquates », mais est-ce suffisant ?
Egalement, malgré les mesures en place, certains grands migrateurs connaissent un déclin actuel très marqué, notamment les aloses et l’anguille européenne***. Cette dernière, classée « En danger critique d’extinction » au niveau mondial, connait un effondrement des populations depuis la fin du XXe siècle. En cause, de nombreux facteurs comme la dégradation des habitats et la pollution diffuse des eaux, la surpêche (notamment la pêche à la civelle), la fragmentation des parcours migratoires, la mortalité due à la dévalaison dans les turbines des centrales hydroélectriques, etc… De plus le virus anguillicola crassus affecte les populations depuis une vingtaine d’années, se développant dans leur vessie natatoire et perturbant leur migration marine vers les aires de reproduction.
Le changement climatique vient s’ajouter à ces facteurs, risquant de perturber les courants marins et donc les routes migratoires de cette espèce, et de bien d’autres.
Concernant l’alose, les suivis et comptages permettent d’observer les évolutions de la densité de populations, qui sont assez alarmistes, notamment sur le bassin de la Garonne, malgré la présence de passes à poissons…
L’altération des possibilités de migration et de reproduction est une des explications du déclin des populations fréquentant nos cours d’eau. S’y ajoutent d’autres facteurs comme la surpêche, la pollution des eaux, sans oublier les pressions durant la période de vie marine chez les grands migrateurs, encore mal connues…
* Programmes d’actions en faveur des poissons migrateurs, Plan de Gestion des Poissons Migrateurs (PLAGEPOMI), Programmes « LIFE ».
** La Directive Cadre Européenne sur l’Eau (DCE) : Créée en 2000, elle préconise le retour du bon état écologique des masses d’eau à l’horizon 2015.
Elle est transcrite en droit français par la Loi sur l’Eau et les Milieux Aquatiques (LEMA) de 2006 et induit notamment une réglementation concernant les ouvrages à équiper en dispositif de franchissement. Le Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) a été créé pour atteindre les objectifs de la DCE, il planifie les actions sur chaque bassin hydrographique grâce à 4 orientations fondamentales : Hydromorphologie (6 mesures dont la restauration de la continuité écologique), Assainissement, Agriculture, Industrie et artisanat).
Conjointement à ces mesures, le Grenelle impulse la concertation entre les acteurs type Etat, ONG, collectivités locales,… en faveur du développement durable dont la restauration des milieux naturels. Il a notamment créé la « trame bleue » qui définit les milieux aquatiques comme un réseau qu’il faut appréhender et restaurer avec cohérence.
*** L’anguille bénéficie du Plan de Gestion Anguille. Il définit des mesures de reconstitution des stocks d’anguille européenne comme l’instauration des quotas de pêche, la lutte contre le braconnage des civelles, l’équipement des ouvrages à la montaison mais surtout à la dévalaison, l’impulsion des études scientifiques pour améliorer la connaissance, la restauration des habitats,…
Quelques liens utiles :
www.migrateursrhonemediterranee.org